Le poste de contrôle allemand situé sur la Sauvanie constitue l’un des 13 points de passage autorisé pour franchir la ligne de démarcation en Dordogne. Ces postes sont généralement composés d’une chicane, d’un baraquement en bois qui abrite le bureau du chef de poste, d’une salle à manger qui fait également office de salle de repos pour les soldats et d’une salle de fouille.
L’occupant s’appuie autant que possible sur les délimitations naturelles que constituent les cours d’eau, rivières et ruisseaux, pour limiter les effectifs et faciliter la surveillance de la ligne de démarcation. Ici c’est la Sauvanie qui assure le rôle de frontière.
A partir du début du mois de juillet 1940, les autorités allemandes interdisent les échanges de courriers d’une zone à l’autre alors que les lettres constituent à l’époque le principal moyen d’échanger avec l’extérieur et d’avoir des nouvelles de ses proches, parfois dispersés sur l’ensemble du territoire national après la débâcle et l’exode de juin 1940.
Les liaisons postales à caractère privé sont rétablies le 29 septembre 1940, mais elles se limitent à la mise en circulation de cartes interzones pré-imprimées, également nommées cartes familiales, qui empêchent toute possibilité de s’exprimer librement.
Aussi, le passage clandestin de courrier constitue souvent le premier acte de transgression contre l’occupant. Les techniques employées sont très variées, la plus courante étant de glisser des lettres dans le guidon, la pompe ou la selle du vélo ; d’autres utilisent des moyens plus élaborés en les dissimulant, par exemple, dans des boites de conserves. Les écoliers sont particulièrement sollicités car leur jeune âge suscite moins la méfiance des Allemands.
Certains habitants du secteur profitent de la présence habituelle des soldats allemands et des bons rapports de façade pour les duper. C’est le cas de Marcel Merlaud qui est commerçant à Verteillac. Détenteur d’un laissez-passer (ausweis), il peut facilement franchir la ligne de démarcation et les soldats, avec qui il échange régulièrement quelques mots de sympathie ne se méfient pas de lui. Cela permet à Marcel Merlaud de faire passer régulièrement du courrier non autorisé entre les deux zones avec, parfois, quelques mésaventures.

Au poste de la Sauvanie, un douanier allemand facilite également, de temps en temps, le passage clandestin de la ligne de démarcation. Il permet à deux amies de se retrouver régulièrement, facilitant ainsi des activités illégales qu’il est pourtant censé réprimer, avec tous les risques encourus s’il est confondu.
La mésaventure de Louis Maigne et de Marcel Merlaud lors d’un passage clandestin de courriers sur la Sauvanie (témoignage de Marcel Merlaud) :
« Louis Maigne a laissé son camion à Saint-Martial [de Viveyrol] et nous sommes partis à pied vers le pont sur la Sauvanie. La nuit était tombée et il faisait un froid glacial. Cela n’empêchait pas les jeunes soldats du poste frontière de faire leur toilette le torse nu, devant une grande flambée. Ils nous ont invité à prendre un verre, on a causé un peu, on les a salués et nous avons repris notre route vers Verteillac. Nous n’avions pas fait cent mètres en zone libre que nous avons entendu courir derrière nous, tandis qu’une voix criait : « Meuzieur ! Meuzieur ! » Etant donné la réception dont nous venions d’être gratifiés, nous n’avions pas de raison d’avoir peur, mais nous nous sommes tout de même séparés pour nous mettre chacun dans un bas-côté de la route afin d’attendre les événements. « Meuzieur ! » a crié le jeune soldat lancé à notre poursuite, vous avez oublié quelque chose ! » Il tenait à la main un gros paquet d’enveloppe serrées par un élastique : c’était le courrier qui nous avait été confié à notre départ de Bordeaux et que nous avions oublié au poste frontière.
Réalisé par Dayries SAS