Ici, au 73 de cette rue a été installé pendant de nombreuses années l’atelier d’un artiste reconnu : M. Camille Merlaud.

Camille Merlaud (1876-1957), fils d’un coiffeur et d’une mère sans profession, est une figure emblématique du village de Verteillac, en Dordogne. Il incarne l’artisan-artiste, celui dont la créativité transcende les métiers du quotidien pour toucher au sublime. Dès l’école primaire, son application et son talent pour le dessin se remarquent, bien qu’il suive d’abord les pas de son père en devenant apprenti coiffeur. À vingt ans, il rejoint l’armée pour un engagement de trois ans. C’est à cette période que ses talents musicaux et artistiques se révèlent pleinement.

Verteillac, la place du marché – 1907 – 35 x 27 cm
Un parcours marqué par la guerre et l’art
En 1900, de retour à Verteillac, il épouse Marguerite Dexant, surnommée « Tine », et travaille chez son beau-père boucher. Mais ses penchants artistiques l’amènent à créer sans cesse. Ses premiers tableaux datent des années 1890, et son œuvre s’étend rapidement à la musique et à la sculpture. En 1913, sa toile Les foins est exposée au Salon des Indépendants à Paris, où il est salué comme une promesse montante du monde artistique. L’année suivante, un marchand d’art bruxellois acquiert trois de ses œuvres, confirmant sa réputation naissante.
Quand éclate la Première Guerre mondiale, Camille Merlaud est mobilisé dans un régiment territorial en tant qu’infirmier et brancardier. Affecté au 93e Régiment d’Infanterie, il sert dans plusieurs campagnes, notamment en Flandres, dans l’Aisne, et à Verdun. Malgré l’horreur des combats, il continue à dessiner et se distingue comme chef de musique militaire. Ses croquis et aquarelles dépeignent les poilus, les tranchées et la vie des soldats, offrant un témoignage artistique poignant de la guerre. Ces œuvres, largement saluées par la presse régionale, témoignent de son patriotisme et de sa résilience.

Saint-Astier – 60 x 32.5 cm
Un retour au village et une notoriété grandissante
Démobilisé en 1918, il revient à Verteillac, où il se consacre pleinement à son art. Ses œuvres deviennent une ode à la vie rurale et aux paysages du Ribéracois. Il peint les champs, les paysans, les animaux et les scènes de village avec une précision empreinte de tendresse. Ses toiles ne se contentent pas de représenter : elles racontent la beauté et la dignité d’un mode de vie aujourd’hui disparu. Le tableau Les champignons, acheté par le gouvernement français en 1952, illustre son souci du détail et son amour pour la nature.
Camille Merlaud expose fréquemment en Dordogne, à Paris et même à l’étranger. Ses œuvres attirent des collectionneurs aux Pays-Bas, en Angleterre et aux États-Unis. Il reçoit des distinctions, dont les insignes d’officier d’académie, et voit ses tableaux intégrés dans des collections prestigieuses, comme celles du Musée du Périgord.

Bourg de Verteillac – 1946
Un homme engagé et généreux
Au-delà de son art, Camille Merlaud est profondément impliqué dans la vie de Verteillac. Président du syndicat agricole, il défend les paysans lors des crises économiques des années 1930. Élu au conseil municipal en 1935 sous l’étiquette de « républicain agraire », il n’hésite pas à exprimer son mécontentement envers les politiques nationales dans une profession de foi teintée d’humour. Ami des habitants, il partage généreusement ses dessins et peintures, contribuant à tisser un lien fort entre son art et son territoire.
Malgré ses succès, sa vie est marquée par des épreuves, notamment la perte de son épouse Tine en 1926. Cette douleur se reflète dans certaines de ses œuvres, où la mélancolie côtoie la célébration de la vie.

Verteillac – 1945 – 28 x 23 cm
Un héritage vivant
Jusqu’à la fin, Camille Merlaud reste fidèle à Verteillac. Dans ses dernières volontés, il demande une discrétion absolue pour ses funérailles, souhaitant passer sa dernière nuit dans son atelier. Il s’éteint en 1957, laissant derrière lui une œuvre prolifique et variée, dispersée dans de nombreuses collections privées et publiques.
Aujourd’hui, ses tableaux continuent d’émerveiller. Ils capturent les sons, les odeurs et les sensations du monde rural : le vent dans les peupliers, l’odeur des foins, le crépitement des cheminées. Ils témoignent de l’histoire d’un village, d’une région et d’une époque, et rappellent la richesse d’un quotidien simple et sincère.
À travers ce parcours, Camille Merlaud incarne l’artiste profondément enraciné dans sa terre, dont les œuvres résonnent comme un hommage à la Dordogne et à ses habitants. Sa vie, mêlée de passion et de simplicité, reste une source d’inspiration pour ceux qui découvrent son histoire et son art.
Source : Camille Merlaud, oiseau rare.